Populations du Dendi Du Niger au Bénin, le destin commun d'un peuple

Soumis par Fatahou le mer 16/08/2023 - 12:09
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La récente mesure portant sur la fermeture, dans la lancée des sanctions prises contre le Niger, après les évènements du 26 juillet 2023, a mis au grand jour la solidité des liens de fraternité et de solidarité entre les populations de l'espace du Dendi s'étendant de part et d'autre de la frontière entre le Niger et le Bénin, notamment à la hauteur de Gaya et de Malanville.

Une analyse des relations intercommunales des populations vivant dans l’espace transfrontalier du Dendi, révèle une forte appartenance à un groupe social identique. De chaque côté de la frontière, on aime se désigner par "Dendi du Bénin" ou "Dendi du Niger". Le groupe Dendi s’approprie le même espace et ambitionne de participer à sa gestion en toute harmonie, même si dans certains cas cette gestion se fait de manière différente manière. D’abord, l’expression Dendi renvoie à la notion d’identité collective. Ensuite, les habitants s’identifient à la frontière, car ayant toujours fait partie des jeux d’acteurs, des constructions sociales, de leur pratique de mobilité et surtout d’un enjeu en termes d’opportunités économiques.

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Vue sur le fleuve Niger à Gaya 

Dans le Dendi, espace partagé par plusieurs communautés, la frontière est généralement comprise comme une interface plutôt qu'une  barrière. C’est un élément de liaison entre les différents groupes sociaux présents. Elle est vécue intensément dans les pratiques et est franchie quotidiennement et plusieurs fois dans la journée par les mêmes personnes. Les raisons essentielles sont d’abord socio-culturelles avant d’être purement commerciales ou économiques et la recherche de services complémentaires. En effet, ces va-et-vient de part et d'autre de la frontière englobent les visites à la famille, la participation aux manifestations sociales, culturelles et traditionnelles (mariage, rituels, soirées culturelles, funérailles…), soit plus de 60 % des motifs des déplacements .

Pour ce qui des activités commerciales, elles déterminent une forme d’aménagement informel de l’espace. Les relations commerciales entre les populations et l’utilisation des infrastructures ainsi que la participation au développement de nouveaux équipements participent d'une gestion commune de l’espace. La façon d’utiliser les réseaux rend certainement compte des tentatives des acteurs d’influencer l’organisation de l’espace, son aménagement et son contrôle. Les marchés, les circuits commerciaux transfrontaliers et les mobilités spatiales soutiennent le processus de création d’un espace communautaire qui entre dans une logique de territorialisation.

A ce titre, les habitants de Malanville et de Gaya se sentent toujours concernés par un évènement familial se déroulant de l'autre côté de la frontière, et vice-versa. Il est très courant de retrouver sur cet espace des membres d’une même famille domiciliés de part et d’autre, notamment à Malanville, Gaya mais aussi dans les localités comme Guéné, Karimama, Tara ou Tanda.

 

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Vue sur la file des camions attendant la réouverture de la frontière
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D'ailleurs certaines sources soulignent que les populations de Malanville et de Gaya font tous partis de la même famille. Les mariages sont par exemple célébrés de part et d’autre de la frontière et unissent les deux villes. En ce qui concerne la fréquentation des services, il s'agit notamment de services bancaires, des services sociaux (écoles, santé) et culturels pour lesquels les échanges sont fortement intégrés. Les habitants opèrent des choix entre les deux villes pour la satisfaction de leurs besoins, selon leur appréhension de la qualité du service ou simplement de sa disponibilité. Par ailleurs, des enseignants béninois ou vacataires vont dispenser des cours à Gaya. Ces interrelations contribuent à une intégration sociale des populations grâce à la proximité et aux possibilités de mobilités.

Ainsi, les relations étroites entre les localités du milieu rural et les nouveaux centres urbains font partie de l’identité collective de Malanville et de Gaya. À cela s’ajoute la base linguistique commune et l’exploitation de la frontière comme source d'opportunités économiques. Toutes choses qui entrent en ligne de compte dans l’affirmation affective, d'une communauté de destin entre ces populations ayant en partage l'espace du Dendi tout au long de cette frontière nigéro-béninoise.

 H.M Fatahou pour le Laboratoire-Citoyennetés / ACE-RECIT (NIGER)