Intercommunalité dans le Dendi: Malanville et Gaya des villes à forts potentiels économiques

Soumis par Fatahou le jeu 22/06/2023 - 18:48
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L’espace transfrontalier compris entre le Bénin et le Niger fait partie des « périphéries nationales » ouest africaines où existent de grandes possibilités d’échanges commerciaux entre pays voisins. Ces périphéries nationales sont marquées également par de forte solidarité entre les populations frontalières victimes de la partition coloniale, interprétée comme l’expression du refus de cette partition ou celle de sa bonne utilisation par les populations. Elles impliquent donc l’existence d’un espace économique et social autonome qui se développe à proximité de deux ou plusieurs États voisins. Le dynamisme de l’économie informelle à partir de l’intensité des relations et des échanges commerciaux renforce la formation des marchés relais ou de redistribution. Ces éléments sont favorables à la naissance et au développement de villes frontalières ainsi que des localités déjà existantes. 
Ces villes- frontières, c’est à dire situées à proximité des frontières d’État, dont l’organisation et le fonctionnement sont influencés par cette présence, prospèrent grâce au différentiel existant entre les deux États. Malanville et Gaya sont des agglomérations d’environ 50000 habitants chacune qui se sont développées sur le principal axe routier international entre le Bénin et le Niger. Villes frontalières distantes seulement de 7 km, elles fonctionnent en « villes jumelles » en centralisant un important flux entrant et sortant de mobilité et de marchandises diverses. Ce fonctionnement spatial en espace « autonome » mais connecté avec d’autres espaces et territoires institutionnels pose la problématique des dynamiques de territorialisation.

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Le chef-lieu du département de Gaya, principale ville du même nom, centralise les services urbains du sud du Niger frontalier avec le Bénin. La ville polarise un hinterland rural avec des fonctions administratives et commerciales. Sa situation sur l’axe principal Cotonou - Gaya, Dosso - Niamey et sa position frontalière favorisent un rôle de centre urbain de transit. Les relations avec les villages et autres localités, du département de Gaya dont les plus proches sont Tara, Tanda, Tounouga, Bengou, Béllo, se caractérisent par des migrations pendulaires pour les services urbains et le commerce de produits agricoles. Son marché est un marché urbain de consommation et de gros. Il permet de relayer les marchés ruraux environnants et les autres marchés régionaux. Gaya est également un lieu de transit pour accéder aux villes de Dosso, Niamey, c’est également la ville de passage pour aller au Bénin ou au Nigéria.
Dernière ville au nord du Bénin sur l’axe Cotonou-Niamey, le chef-lieu de la commune de Malanville est essentiellement rurale, son dynamisme économique est fortement lié à son marché, 2ème plus grand marché du Bénin (après Dantokpa à Cotonou) et à sa position frontalière de transit entre le Bénin et le Niger. Ces deux éléments lui donnent une attractivité tendant à accroître les facteurs d’urbanisation. La principale fonction de la commune dans la hiérarchie urbaine est celle commerciale. Le marché de Malanville centralise la plupart des productions de l’espace rural environnant et même de tout le nord et du centre du Bénin. À cause de cette attraction, des fortes migrations pendulaires relient Malanville aux autres communes et villages environnants tels que Karimama, Guéné, Madecali. Les villes de Malanville et Gaya sont ainsi les relais de villes plus lointaines dans l’armature urbaine des deux pays (Niger-Benin) et de la région. Le premier niveau hiérarchique est occupé par les grandes villes capitales centres de consommation et émettrices des principaux flux commerciaux et de mobilité démographique comme Niamey et Cotonou. Les niveaux secondaires qui se situent dans l’axe des transports et migrations sont les villes moyennes comme Parakou et Kandi au Bénin, et Dosso au Niger. Malanville et Gaya n’arrivent qu’en dernières positions de la hiérarchie urbaine comme petites villes jouant un rôle de transition entre les marchés ruraux locaux et les grandes villes capitales. Mais, il faut bien considérer que ce modèle fonctionnel de hiérarchie urbaine ne suffit pas à rendre compte de l’organisation de l’espace marchand transfrontalier entre le Bénin et le Niger dont l’économie est caractérisée par un degré élevé d’informalité et d’opacité.


La situation géographique de ces villes aux périphéries nationales favorise la croissance des activités de commerce informel et formel pratiquées sur plusieurs secteurs. Mais le domaine du commerce international de réexportation est celui qui favorise l’émergence d’une centralité urbaine en la connectant aux autres villes de l’Afrique de l’ouest. Les activités d’importation et d’exportation entrainent le développement d’activités logistiques et des infrastructures tels que les ports secs, les plateformes de chargement, les espaces de stockages et l’aménagement de zones de transit. Ces activités se développent du fait de la rupture de charge opérée une fois la frontière béninoise dépassée en direction soit des grandes villes du Niger (Dosso, Niamey) soit du Nigéria. Se développent ainsi dans ces villes frontalières, des infrastructures commerciales et urbaines et des services nécessaires à ce système commercial de transit : services bancaires et de micro finance ; services de transport, de communication et télécommunication, services de transfert d’argent. Tous ces services et activités entrainent à leur tour des emplois diversifiés avec notamment une forte présence des emplois du tertiaire (notamment les transitaires, les douaniers et autres agents des opérations de transit). La taille du marché de Malanville par exemple, et son rôle dans la redistribution des produits agricoles créent des activités de manutentions dues aux déchargements et rechargements des camions. Un noyau de véritables centres urbains de part et d’autre de la frontière se renforce donc dans cet espace. Le commerce local des produits agricoles entraine quant à lui une fonction de polarisation et de redistribution des revenus tirés de la vente des produits vers les campagnes.

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En effet, il y a quelques années, la ville de Malanville constituait le point culminant du commerce transfrontalier. Aujourd’hui, la tendance est inversée parce que Gaya a pris le dessus sur Malanville et même, dans une certaine mesure, sur Kamba. Il se trouve que tous les grands commerçants nigériens résidant au Nigéria et au Bénin ont compris la nécessité  de venir investir plutôt à Gaya.
Gaya est un peu l’épicentre de ce que les universitaires du département de Géographie ayant étudié l’espace Dendi appellent « le business center»  parce que se situant entre Malanville et Kamba. Le commerce est intense que ce soit dans le domaine des vivres, des produits transportés du port et des différents marchés de Malanville et de Kamba. La ville de Gaya est aujourd’hui dynamique en matière de commerce. On remarque l’intensité du commerce de tous les produits vers Gaya. C’est un flux très important qu’on constate en faisant un tour dans la ville de Gaya avec beaucoup de magasins. Il y a de cela quelques années, ces magasins étaient beaucoup plus présents du côté de Malanville (Bénin). Gaya vit aujourd’hui de ce commerce transfrontalier. Les commerçants nigériens résidant dans les pays côtiers ont pris conscience d’investir au pays. Cette prise de conscience est aujourd’hui accompagnée par la facilitation au niveau du cordon  douanier au Niger. Toutefois, on constate aussi que le commerce est extraverti dans le département de Gaya surtout pour la filière riz et bétail. Le riz produit à Gaya est exporté soit au Nigéria ou au Bénin. C’est aussi pareil pour le bétail en raison des avantages que tirent les populations.
Il faut d’ailleurs noter que Malanville, récente ville est devenue aujourd’hui une grande agglomération dépassant Karimama et Guéné pourtant plus anciens. Sa population communale avoisine celle de Kandi (estimé à 177 000 habitants en 2013) chef-lieu du département de l’Alibori, une des villes du nord du Bénin. Du côté du Niger, Gaya a plutôt une croissance démographique conforme à la moyenne nationale. Dès lors, on peut constater un processus d'urbanisation de marge en cours sur ces périphéries nationales. Cette marge met en évidence les potentiels d'innovations qui caractérisent aussi les acteurs de cet espace « tant sur le plan des pratiques individuelles et collectives que sur celui des arrangements institutionnels ». Plusieurs types de villes émergentes de ces marges mettent en face divers enjeux d’échanges, de commerce, de logistiques et de sécurité alimentaire qui valent l’appellation de villes - marchés ou entrepôts frontaliers. 
H.M Fatahou pour le Laboratoire-Citoyennetés / ACE-RECIT (NIGER)